Interview : Jacques-Antoine Schaefer, Contrôleur Financier International chez Cartier.
Bonjour Jacques-Antoine, merci de nous recevoir.Tu es Contrôleur Financier International au sein de Cartier. Nous avons souhaité te rencontrer pour faire découvrir ton parcours aux ESCP Europe.
En quelle année es-tu entré à l’école ?
J’ai intégré l’école en septembre 1993 avec l’envie de rester assez généraliste. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi en 3eme année l’option Management Général et Stratégie plutôt que de bifurquer tout de suite vers la fonction Finance.
Je me suis beaucoup investi au sein de l’association Etudes ESCP, et j’ai aussi fait partie du club Aviron où j’ai été à la tête du 8, du 4 de couple masculin et du 4 de couple mixte.
Quels ont été tes stages ?
J’ai toujours ressenti le besoin de trouver du sens et une utilité a ce que je fais. C’est pourquoi en première année, je suis parti en mission humanitaire en Bolivie pendant 2 mois pour aider à la construction d’un dispensaire.
En 3eme année, je suis également parti 3 mois en Equateur : la semaine j’aidais une communauté indienne de l’Altiplano à monter un business plan pour obtenir des aides internationales. Le week-end, j’aidais quelques agriculteurs de la ville côtière d’Esmeraldas a mettre sur pied leur micro-entreprise de transformation de cacao en les formant notamment au marketing et au contrôle de gestion.
Entre ces deux stages, j’ai choisi de faire une césure d’un an car je souhaitais avoir une expérience prolongée en entreprise. J’ai donc fait un stage en audit externe chez Arthur Andersen suivi d’un autre en contrôle de gestion chez Unilever. J’ai beaucoup apprécié ces deux stages. En audit, les changements réguliers de clients, de lieux et de problématiques m’ont énormément plu. Chez Unilever, j’ai mis le doigt sur un problème de facturation qui leur a permis de récupérer un demi-million d’euros ! Ces expériences m’ont beaucoup marqué car j’ai vraiment réalisé que la finance pouvait être une véritable valeur ajoutée pour la réussite d’une entreprise.
Est-ce que ces stages t’en apprennent plus sur ce que tu souhaites faire ?
Oui, car je suis sorti de ces deux stages avec une vraie envie de poursuivre en contrôle de gestion ou en contrôle interne.
Tu sembles avoir une vraie passion pour l’Amérique du Sud. Est-ce que tu n’es pas tenté de t’y installer à la sortie de l’école ?
C’était une option, mais quand j’ai cherché un VIE, c’est l’Asie qui s’est offerte a moi. J’ai choisi de partir au Vietnam dans une joint venture de Rhône Poulenc avec une entreprise chinoise et l’Etat vietnamien. Je suis devenu l’homme finance de cette petite usine qui fabriquait des toiles de nylon pour pneumatiques. La filiale a néanmoins rencontré des difficultés techniques, Rhône Poulenc s’en est retiré et j’ai continué mon VIE à Shanghai en tant que contrôleur de gestion industriel dans une usine de plastiques techniques. Ce fut une expérience complètement différente qui m’a permis de découvrir une Chine en plein changement.
A l’issue de ce long VIE en Asie, que décides-tu de faire ?
D’abord, de prendre une année sabbatique pour voyager !
En 1999 je suis parti de Chine en traversant le Tibet, puis le Népal jusqu’au camp de base de l’Everest.
Puis j’ai fait un grand périple à vélo en Amérique du Sud, d’Equateur jusqu’en Terre de Feu le long de la Cordillère des Andes. J’ai traversé des zones complètement désertiques, franchi des cols à plus de 5000 mètres, ça a été un peu dur par moments !
Deux amis de l’ESCP m’ont accompagné pendant une bonne moitié de ce voyage de près de 8000 km, et nous avons vécu des expériences humaines absolument incroyables : pêcheurs, prêtres, pompiers, mineurs, indiens mapuches, etc. qui ont tous ouvert leurs portes aux voyageurs fatigués que nous étions. Mais aussi et surtout j’ai rencontré au fin fond du Pérou ma future femme et mère de mes trois enfants !
Cette aventure m’a permis de relativiser beaucoup de choses sur notre mode de vie occidental ultra-privilégié…
Après cette traversée de l’Amérique du Sud, tu arrives néanmoins à revenir dans la grisaille parisienne ?
Je reviens effectivement à Paris tant pour retrouver mes proches que pour chercher du travail, et je réintègre très vite le groupe Rhodia…. à Shanghai ! Suite à la scission entre les activités chimiques et pharmaceutiques de Rhône-Poulenc, je suis chargé de solder les arriérés avec Aventis, et de remettre à plat tous les budgets des fonctions support de Rhodia en Chine.
Un an après, en 2001, je rejoins l’audit interne du groupe. J’y reste 3 années au cours desquelles je vais enchainer un grand nombre de missions à l’étranger. C’est un métier très formateur qui apprend à s’adapter aux différents environnements, à aiguiser son regard critique, et à gérer l’imprévu. Je cherche ensuite à être muté à l’étranger, mais ce n’est pas simple car le groupe traverse alors une période de crise. J’ai alors une nouvelle idée…
Une nouvelle traversée de l’Amérique du Sud ?
Presque : ma femme et moi démissionnons tous les deux pour explorer la Mongolie !
Après un début de voyage confortable en Transsibérien, nous achetons trois chevaux, nous procurons un chien, quelques kilos de nouilles, et partons en autonomie complète pendant 3 mois. Nous avons passé des cols, traversé des gués, parcouru des steppes immenses, des dunes de sables et bien d’autres paysages très peu habités. Nous avons aussi gardé un souvenir incroyable de l’hospitalité des bergers nomades. En repartant, nous avons laissé nos chevaux et notre chien à une famille mongole : ce n’était rien en comparaison de ce que nous nous avions reçu tout au long de ce voyage.
Nouveau retour à Paris ?
Exact, et cette fois j’ai intégré le groupe pharmaceutique Astra-Zeneca en contrôle de gestion commercial & marketing. J’y suis resté trois ans et j’ai beaucoup apprécié la culture de cette entreprise et la profonde éthique avec laquelle sont élaborés et commercialisés ses produits. Mais alors que je préparais une potentielle mobilité interne je suis appelé par un chasseur de tête…
Quelle est cette proposition ?
Je me vois proposer un poste de responsable du contrôle de gestion de production chez Cartier Joaillerie. Je suis intéressé par le poste mais, ne connaissant pas du tout le monde du luxe, je me demande si je pourrai m’y épanouir. Les entretiens me permettent de rencontrer des personnes passionnées par leur métier et qui savent faire partager leur passion. Je rejoins donc Cartier sans hésitation en 2007.
J’apprécie cette Maison au caractère unique qui rencontre un véritable succès grâce à l’engagement de ses 6500 salariés. Depuis un an, je travaille auprès du CFO de la marque en tant que Contrôleur Financier International et je couvre l’Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l’Asie. Je mets aussi à profit mon expertise en contrôle interne pour concevoir les politiques financières et commerciales de la marque.
Quel regard portes-tu sur ton parcours ?
Je sais qu’il est pour le moins atypique ! Ma passion du voyage et ma quête de sens m’ont mené en de nombreux endroits de la planète et j’en suis très heureux. J’assume tous ces choix et, si la question se posait, je referais chacun d’entre eux de la même manière avec les mêmes breaks pour découvrir d’autres pays et d’autres cultures.
Quel message adresses-tu aux plus jeunes d’entre nous ?
Tout d’abord, sachez faire la part des choses entre carrière et vie personnelle. Profitez de votre jeunesse et de votre absence d’attaches pour vous réaliser et vivre vos passions. N’ayez surtout pas peur de sortir des sentiers battus. Je ne pense pas que cela soit préjudiciable et cela peut même être un atout dans les entretiens d’embauche que vous passerez par la suite.
Je conseille également aux futurs diplômés de bien se renseigner sur le mode de vie associé à un métier. Souvent, à la sortie de l’école, les perspectives de carrière et le salaire focalisent l’attention. Mais l’intérêt du travail, les déplacements, l’équilibre entre vie professionnelle et privée sont des critères au moins aussi importants à prendre en compte.
Enfin et surtout, chacun doit choisir une carrière qui soit en lien avec ses valeurs profondes.
Il n’y a pas de carrière type et universelle, à chacun de faire ses choix de vie, mais en toute connaissance de cause !
Jacques-Antoine, merci de nous avoir reçu et présenté ton parcours
Nous te souhaitons tous nos vœux de succès à toi ainsi qu’aux équipes de la Maison Cartier
Les délégués du groupe Finance.
↧